Votre employeur a-t-il le droit d'espionner vos courriels privés au travail ?

La Cour Européenne des Droits de l'Homme vient de sanctionner une entreprise roumaine pour avoir licencié un employé qui avait utilisé la messagerie professionnelle à des fins personnelles en dépit du règlement intérieur l'interdisant. Qu'en est-il du droit français ? Un employeur peut-il surveiller les courriels de ses salariés ?

La CEDH condamne la surveillance des mails privés au travail

En 2007 un ingénieur roumain est licencié par son entreprise après avoir surveillé son activité sur internet. L'employeur avait constaté que le salarié utilisait la messagerie professionnelle à des fins personnelles en infraction du règlement intérieur. Après avoir été débouté par les tribunaux roumains, l'ingénieur mis à pied saisit alors la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) pour violation du droit au respect de la vie privée et de la correspondance, protégé par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

La CEDH donne raison dans un premier temps à la justice roumaine, validant dans la foulée la possibilité pour une entreprise de surveiller l'usage des outils numériques pour mettre en place une procédure disciplinaire. En appel, l'employé obtient gain de cause, la CEDH estimant qu'il "n'avait pas été informé de la nature et de l'étendue de la surveillance opérée par son employeur ni de la possibilité de celui-ci ait accès au contenu même de ses messages". La Cour considère en outre que les tribunaux roumains "n'ont pas déterminé quelles raisons spécifiques avaient justifié la mise en place des mesures de surveillance".

Signalons que le gouvernement français et la Confédération Européenne des Syndicats se sont associés auprès de la CEDH pour soutenir la demande du salarié roumain.

Le droit français encadre le respect de la vie privée au travail

Cette décision de la CEDH fera jurisprudence pour les 47 membres du Conseil de l'Europe. En France, la CNIL (Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés) encadre le contrôle de l'utilisation d'internet et de la messagerie au travail, sans toutefois être très claire sur l'utilisation de l'outil numérique à des fins privées dans le cadre de l'entreprise.

L'utilisation des outils informatiques à des fins personnelles est tolérée, mais doit rester "raisonnable", à l'employeur d'en fixer les conditions et les limites, sans que celles-ci constituent une atteinte à la vie privée. L'employeur peut légalement surveiller ses salariés dans le but de protéger son entreprise (piratage de données, virus informatiques,...), mais il doit les informer de ces mesures de surveillance et de leur nature. La CNIL impose le respect des correspondances électroniques privées au travail ; l'employeur ne peut y accéder qu'en présence de l'employé et pour une raison légitime.

En octobre 2001, la Cour de cassation avait affirmé qu'un employeur ne pouvait prendre connaissance des mails personnels d'un employé sans porter atteinte à la vie privée de celui-ci, quand bien même une utilisation à des fins personnelles aurait été proscrite.

Il convient de préciser que tout message non identifié comme "personnel" est réputé être professionnel, et qu'il appartient à l'employé d'identifier les courriels qui sont personnels.

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